RÉSURGENCE
Ce titre est apparu comme une évidence, dès mes premières rencontres avec ces militant.es que l’on surnomme les «écureuil.les» et qui luttent contre le projet autoroutier de l’A69, censé relier Castres à Toulouse. J’étais fasciné de voir leur faculté à resurgir à chaque répression des forces de l’ordre. Ne pas se laisser abattre, croire en ses convictions, protéger les arbres et imaginer un monde où les humain.es seront plus en harmonie avec la terre qui les nourrissent. Ces valeurs ont éclos à l’intérieur de moi et tout mon corps s’est mis en mouvement pour aller vivre un engagement qui résonne avec celles-ci, qui aligne art et activisme, qui aiguise mon regard… de photographe.
C’est la première fois que j’aborde un sujet comme celui-ci, un sujet où des êtres humains, des êtres végétaux et la protection de la nature sont réuni.es. Début 2023, j’avais posé l’intention de réunir ces conditions et offrir encore plus de sens à ma photographie. Partir seul la nuit dans la nature, loin des hommes et des femmes, a toujours été et sera encore, pour moi, une expérience à part entière, un voyage hors du temps. Mais là, j’avais besoin de sortir de cette solitude et de me confronter à un autre réel. Alors, je m’éclipse de mon monde nocturne pour me plonger sous le soleil d’une réalité crue.
En mars 2023, au hasard d’un trajet vers le sud, mon regard se pose sur 10 platanes centenaires abattus le long de la RN7, tels des fusillés sur le champ de l’artificialisation, accusés d’être mortels pour les automobilistes. De ce funeste rendez-vous naîtra la série “Les Gisants”, celle-ci forgera mon engagement et le désir de rencontrer les personnes surnommé.es “les écureuil.les” qui s’installent et vivent pacifiquement dans les houppiers - le cœur - des arbres. En novembre 2023, j’arrive au moment de l’installation d’un nouveau lieu d’occupation, d’habitation dit la Crem’Arbre, à Saïx dans le Tarn. C’est le neuvième depuis le début de la lutte contre ce projet. Sur les huit autres, tous les écureuil.les sont descendu.es suite aux répressions vécues, des milliers d’arbres ont été abattus et des centaines d’hectares de terres agricoles ont vu leur futur pétrifié, étouffé.
Jusqu’en avril 2024, je suis venu tous les mois à la Crem’Arbre, je passais en moyenne six jours à vivre au rythme des habitant.es, de ma photographie et des forces de l’ordre. J’ai vu des personnes défendre ce bois et tenter d’empêcher l’abattage illégal de cette zone humide classée à fort enjeu environnemental.
Celle-ci a été déclassée à faible enjeu environnemental, sans justification, par le concessionnaire Atosca avec le soutien du préfet du Tarn, Michel Vilbois (ça ne s’invente pas). Et ce, sous la protection de la gendarmerie, afin de pouvoir abattre les arbres avant la période de nidification qui débute au printemps.
Ainsi, le dix-sept février démarre le siège des forces de l’ordre qui ferment l’accès au bois. Ce jour-là, je suis dans les arbres, avec dix-huit autres écureuil.les, en totale autonomie. Pour des raisons familiales, je ne reste que trois jours dans les arbres, quinze autres personnes descendront d’elles mêmes ou de force par l’équipe spéciale d’intervention de la gendarmerie. Les trois dernier.ères écureuil.les resteront au total trente-neuf jours, avec seulement un tout petit ravitaillement concédé par les forces de l’ordre. Les écureuil.les auront perdu entre 5 et 10 kg par personne pendant le siège. La dernière semaine iels se seront nourri.es des bourgeons du platane Majo. Leurs descente a été permise grâce à la présence de la mésange bleue et à l’agence gouvernementale, Office Français de la Biodiversité, qui a enfin répondu aux appels des associations pour confirmer que ce bois était bien classé à haute valeur environnementale et ne pouvait donc pas être coupé avant le premier septembre. Tous ces efforts montrent bien les arrangements privés qui s’orchestrent au détriment de la nature.
C’est dur à dire, mais c’est par l’expérience du terrain que j’ai pu vraiment réaliser, intégrer ce qui se passe dans ces luttes. J’avais beau lire, écouter sur ces sujets, je ne m’impliquais pas pour autant… Pendant ces jours et ces nuits à la Crem’Arbre, face aux injustices vécues, à la manipulation médiatique, aux forces de l’ordre qui m’ont empêché de faire mon métier, j’ai senti ma colère enfouie sortir de terre.
Cette colère, je souhaite l’utiliser comme un nouvel outil d’authenticité et d’engagement envers moi-même, ma relation aux autres et la protection de la nature. Ainsi, j’apprends à sortir de ma zone de confort, en cherchant à saisir l'essence même de ce combat à travers les regards, les gestes des hommes et des femmes engagé.es, afin de transmettre l'émotion et la force qui les animent.
S’il y a bien une faculté que j’ai pu observer chez ces défenseur.euses de la nature, c’est de pouvoir renaître à chaque coup donné par le bras armé de l’État. Systématiquement, j’ai pu voir ressurgir, se soulever de la terre, cet élan de vie, cette résilience à ne pas baisser les bras en prenant soin des un.es des autres, en s’apportant l’amour nécessaire pour tenir et continuer de résister.
Afin de soutenir les écureuils (ainsi que toutes les personnes qui aident au sol) et mon projet en cours de création, j'ai mis en place avec l'association GNSA
(Groupe National de Surveillance des Arbres), reconnue d'intérêt général,
une vente de tirages signés au format A4 (21 x 29,7cm) à 60 € ttc l'unité.
Pour chaque tirage vendu, 22 € seront reversés à l'association.
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